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Mouvements « in-house »

Dans le contexte annoncé des fins de livraison de Swatch Group, toujours plus de petites et de moyennes marques annoncent le lancement de mouvements de base maison. Le phénomène prend de l'ampleur.
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    Badollet: Associée au bureau du Val Des Bois, la marque se relance avec ce très innovant mouvement à tourbillon, dont le pont reproduit le signe de l'infini, un mouvement cambré à 3 pans et finitions soignées.
    Badollet: Associée au bureau du Val Des Bois, la marque se relance avec ce très innovant mouvement à tourbillon, dont le pont reproduit le signe de l'infini, un mouvement cambré à 3 pans et finitions soignées.
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    Hermès. Décoré du célèbre H et signé Vaucher Manufacture Fleurier dont elle est actionnaire, le H1837 est le premier vrai mouvement maison de la marque.
    Hermès. Décoré du célèbre H et signé Vaucher Manufacture Fleurier dont elle est actionnaire, le H1837 est le premier vrai mouvement maison de la marque.
Par : Fabrice Eschmann
Publié dans : Montres Passion
10.03.2012

Armin Strom, Badollet, Blacksand, Eterna, Hermès, Richard Mille, Schwarz Etienne ou Ulysse Nardin : les annonces de lancement de mouvements horlogers développés – voire même réalisés – par de petites et moyennes marques se multiplient en ce début d’année. Parfois tapageurs, usant souvent du terme « manufacture » de manière quelque peu abusive, ces faire-part de naissance mécanique ont pour origine deux réalités : la bonne santé actuelle du secteur avec un doublement prévu de la production dans les cinq à sept ans, mais, surtout la fin proche – et de plus en plus concrète – des livraisons de mouvements terminés et d’ébauches en provenance de Swatch Group.

Rappel historique

Le secteur horloger suisse est organisé de telle sorte qu’une poignée seulement de marques réalise tous ses mouvements de A à Z. Les autres, pour une partie ou pour l’ensemble de leurs besoins, font appellent à des fournisseurs, parmi lesquels les deux sociétés de Swatch Group ETA (mouvements) et Nivarox-FAR (spiraux) tiennent une place dominante sur le marché.

La raison est historique. Dans les années 1920, l’industrie horlogère suisse faire alors face à un difficile problème de délocalisation : le chablonnage, comprendre la vente de pièces détachées à l'étranger. Pour tenter de discipliner la profession, les fabricants créent, en 1924, la Fédération Suisse des Associations de Fabricants d'Horlogerie (FH). Mission : édicter des conventions protectionnistes, que l’on nommera le « statut ». L’un des partenaires nationaux de la FH sera la société Ebauches SA, née du rapprochement de trois importants fabricants : Ad. Michel S.A. et  A. Schild S.A. à Granges et la Fabrique d'Horlogerie de Fontainemelon. Dans les trois années qui suivent, 27 autres établisseurs rejoindront la FH. 

ETA n’est autre que la société qui a succédé à Ebauches SA. Lorsque l’horlogerie mécanique renaît de ses cendres après la crise des années 1970, ETA – désormais propriété de Swatch Group (alors SMH) – est la seule, ou presque, à pouvoir encore fournir des mouvements mécaniques. Depuis trente ans, elle fonctionne donc comme un « supermarché » de l’horlogerie, selon le terme même de feu Nicolas G. Hayek. Une situation qui va gentiment agacer l’industriel, qui reprochera toujours plus aux marques d’aujourd’hui d’empocher des bénéfices sans jamais investir dans l’outil de production.

Dès le début des années 2000, Nicolas Hayek n’a eu de cesse de contrarier les "profiteurs". D’abord en modifiant les prix et les conditions de paiement, puis en annonçant ouvertement la fin envisagée des livraisons de mouvements et d’ébauches à des tiers. Dernier épisode en date : ayant ouvert une enquête contre Swatch Group - à sa propre demande – le 6 juin 2011, la Commission fédérale de la concurrence a promulgué des mesures provisionnelles l'autorisant, dès le 1er janvier 2012, à baisser ses livraisons de 15% pour les mouvements terminés, de 30% pour celles destinées aux fabricants de génériques et de 5% pour les assortiments. C'est donc dans ce contexte à la fois tendu et porteur, que l'industrie horlogère suisse procède à de grandes manoeuvres, et pas seulement au sein des puissants groupes, dont les investissements récents ou projetés se comptent en centaines de millions de francs.

Eterna

Basée à Granges, la marque, qui, en 2010 a produit quelque 7500 montres pour un chiffre d’affaires évalué à 12 millions de francs, contre 15 à 25 millions, les années précédentes, elle lance ainsi son nouveau Calibre 3843, développé et réalisé à l’interne.  « Nous devons évidemment nous préparer à l'éventuelle  fin des livraisons de Swatch Group, mais ce n’est pas tout, souligne Patrick Kury, directeur général ad interim. Nous venons d’être rachetés par le groupe China Haidan, cela nous ouvre les portes de l’Asie, et nous prévoyons un doublement de notre production cette année. De plus, réaliser son propre mouvement est une preuve de compétence pour la marque, que les connaisseurs sont prêts à payer plus cher. »

Badollet et Blacksand

Une réflexion que partage Philippe Dubois, CEO de la jeune marque Badollet. Cliente dès la première heure du défunt motoriste BNB Concept, la société horlogère a vécu ces deux dernières années sur son stock de pièces. « Pour nous qui ne proposons que des tourbillons, il était devenu difficile d’expliquer à nos clients pourquoi certains de nos composants se retrouvent chez nos concurrents, détaille le patron. Au lieu de nous tourner vers un autre fournisseur, nous avons donc décidé de confier le développement d’un nouveau mouvement à un horloger», en l'occurrence le bureau Du Val Des Bois, au Chenit. Fabriqués essentiellement dans la vallée de Joux, les composants sont ensuite assemblés et emboîtés chez Badollet. L’investissement consenti reste confidentiel.

Externaliser est aussi la solution choisie par Blacksand, petite marque carougeoise créée début 2011.  C’est en fait Frédéric Garinaud, ancien d'Audemars Piguet (Renaud & Papi), aujourd’hui installé au Noirmont, qui s’est chargé de dessiner ce chronographe monopoussoir à roue à colonnes. Coût de l’opération : « Environ 700'000 francs », révèle Alain Mouawad, fondateur de la marque, qui ajoute : « Notre but n’est pas de verticaliser notre production, mais de nous démarquer. Nous faisons de la belle montre et le choix d’arriver avec notre propre calibre va marquer les esprits. »

Armin Strom & Schwarz Etienne

Si Badollet et Blacksand ne font pas de copeaux dans leurs locaux, d’autres ont fait le choix d’investir dans des machines. telle par exemple Armin Strom, installée à Bienne dans une petite manufacture inaugurée en 2009. Après les calibres ARM09 (500 pièces produites) et AMW11 (400), la marque s’apprête à présenter son troisième mouvement maison. « Depuis 2009, nous avons acquis pour 2,5 millions de francs de machines », précise Serge Michel, son CEO. De son côté, après l'avoir annoncé en 2009, présenté en 2012 (lire MP N 47, hiver 2010) et pris encore une année et demie pour le faire évoluer et surtout le fiabiliser,  Schwarz Etienne, à La Chaux-de-Fonds, va également (re)présenter deux évlutions de son prototype de moteur mécanique, l'une à double barillet (version manuelle), l'autre à micro rotor (version automatique). "Quantité de marques, et pas uniquement des petites, ont montré beaucoup d’intérêt pour s’en rendre acquéreurs, précise don directeur André Blätter.

Hermès et Ulysse Nardin

On se saurait conclure ce petit tour d'horizon sans mentionner ici, même si les qualificatifs de petites ou de moyennes maisons ne les concernent pas forcément, Hermès et Ulysse Nardin. La première va, elle aussi, lever le voile sur son premier véritable mouvement maison de base, un calibre automatique développé et industriellement produit pour elle par Vaucher Manufacture Fleurier dont elle est propriétaire à hauter de 25%. Baptisé H1837 (année de fondation de la marque) et ayant réussi les tests Chronofiable, ce mouvemeent automatique de 11 lignes et demies (26mm, donc petit) affiche 50 heures de réserve de marche (double barillet), se décline en deux versions (un trois-aiguilles-dates et un H/M, seconde excentrée) et arbore... évidemment, ponts et masse oscillante satinés et décorés d'un "semis" de H.

Quant à la seconde citée, déjà fortement implantée dans la haute horlogerie avec, notamment, ses calibres dotés de composants en silicium (collection Freak) en diamant ou ceux cumulant les deux matériaux, elle va également se doter de deux mouvements de base, l'un entièrement développé à l'interne (calibre UN-118), l'autre, un mouvemeent chronographe automatique (Ebel 137, rabaptisé UN-150) racheté au groupe Movado et qui avait originellement été développé sur la même platine que son actuel QP. Si, actuellement, environ 30% des quelque 25'000 montres produites chaque année par Ulysse Nardin son dotées de mouvements maison, ce pourcentage devrait rapidement être ammené à augmenter.

Coup de fouet

Cette nouvelle tendance aux mouvements maison donne par ailleurs un coup de fouet à l’industrie des machines. Installé à Moutier, Tornos a vu son chiffre d’affaires dans le domaine horloger décupler en dix ans. « Nous proposons cette année trois nouvelles machines, deux décolleteuses et un centre d’usinage, énumère Carlos Almeida, responsable du secteur. Nous avons aujourd’hui 120 clients dans l’horlogerie, et les besoins sont de plus en plus importants, surtout chez les petites marques qui visent la flexibilité et la polyvalence. »

Publié dans : Technique, Montres Passion
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